[Libre] Quel déluge!

Sale journée.
Le ciel s'enquissait d'un oscillement désagréable, hésitant entre la pluie et la neige. Le vent soufflait assez fort, chassant sans délicatesse les petits tas de flocons formés au fil de la journée. De surcroit, il faisait horriblement froid. Du moins, pour un français habitué à la quiétude de sa région méditerranéenne.
Nathaniel marchait d'un pas résolu vers l'académie. Il venait de passer à la banque : sa demande de création de compte en banque sous la nationalité américaine avait bel et bien était retenue, cependant un problème informatique avait planté le système. Génial. Il était donc d'humeur maussade, et se réconfortait à l'idée de pouvoir monter dans l'heure qui suivait. Second problème : aucune monture ne lui avait encore été attribuée. De plus en plus grincheux, il extirpa son cellulaire de la poche de son blouson Ralph Lauren pour envoyer un rapide message à l'un de ses très nombreux amis : oui, oui, il allait bien ; non, il n'avait encore rencontré personne de connu ; et non, on ne le verrait pas encore sur les terrains de concours. Fin de l'attention qu'il lui portait.
Il bifurqua vers la droite pour passer entre les grilles du portail de l'académie. Il avait dû faire tout le chemin entre la ville et le domaine à pied, puisque les services de véhiculement étaient impuissants face aux routes enneigées.
Nate s'arrêta un instant au milieu de la cour principale. Il s'interrogea une fraction de seconde : valait-il mieux qu'il aille ranger son barda dans la chambre, ou qu'il se repose un instant dans le living-room ? De toute manière, il était tellement maniaque qu'il aurait bien vite fait de passer un coup d'ordre dans sa piaule et de toute manière il n'avait pas les pensées au travail. Point.
Le jeune homme posa sa main sur la poignée de la porte du séjour, ne prenant pas la peine de toquer avant d'entrer. Après tout, il était presque chez lui, non ? On lui avait conseillé de prendre ses aises, il le faisait. Une fois à l'intérieur de la pièce, il jeta un vague coup d'œil autours de lui : personne. Tant mieux ! Il s'installa confortablement près de la cheminée, attrapant au hasard un des magasines posés sur la table basse. "Sport Equestre" de Janvier. Sympa d'avoir même les journaux à l'avance ! C'est ça, quand on est dans une grande école...

Nathaniel était confortablement entrain de lire un article sur les dernières sessions de Fontainebleau quand un grincement attira son attention. Quelqu'un rentrait. Un jeune homme d'à peu près son âge, un peu plus petit de lui, brun. Un peu, comment dire... Timide ? Cet inconnu ne daigna pas lui adresser un regard, pour se laisser choir dans un des confortables fauteuils de la pièce. Nate n'allait pas dire les premiers mots, par contradiction.
- Salut ! Je m’appelle Gabriel… Il fait pas chaud, hein.
Il leva un sourcil intrigué vers son interlocuteur. Non, il ne fait pas chaud, on est en décembre.
- Enchanté... Nathaniel.
Il l'observa un instant, avant de se replonger dans son article de presse. Très bien écrit, en passant.
- Tu es là depuis longtemps ? A TH, je veux dire… Blanc. Si ça te dérange pas, je vais m’assoir à côté de toi pour être plus près du radiateur.
Hé, mon ami, Nate est fou de la gente féminine. N'espère pas l'attirer dans tes eaux sournoises ainsi. Le brun posa son magazine sur la table et leva franchement les yeux vers ce dénommé Gabriel.
- Non, je suis arrivé il y a quelques jours.
Il ne répondit pas à sa dernière question. Qu'il s’assoit, s'il le voulait ![



612 Mots, validés . ALONE

Nathaniel n’était pas du à genre à regarder les gens par en-dessous, espérant leur soutirer ce qu’il voulait pour les poignarder plus profondément par derrière. Un de ses traits de caractère était d’être franc, un peu trop parfois, jusqu’à en devenir blessant. S’il avait quelque chose à dire il le disait, quoi qu’en pense son interlocuteur. De même, sauf si la personne l’ennuyait, il la regardait clairement dans les yeux, d’une façon assez troublante. Et en règle générale, ce n’était pas lui qui baissait le regard en premier. C’est pourquoi il ne prenait aucune gêne à détailler ce dénommé… Gabriel ? Un certain accent canadien faisait dérailler sa voix à certains moments. Surement un peu rustre, comme bonhomme. En considérant surement son mutisme pour une réponse positive, il s’assit à côté de lui. Nate, quant à lui, s’empara d’un autre hebdomadaire équin. Il aimait lire, c’était une chose. Que ce soit des romans fictifs, des autobiographies d’hommes du cheval célèbres, il dévorait le tout sans en perdre une miette. Il n’était pas vraiment patient, mais quand il plongeait dans ces bouts de papier il se métamorphosait. Etrange ? Peut-être pour les autres, pas vraiment pour lui.
- Hum… Désolé de te déranger mais je me demandais si tu avais déjà eu ton cheval, vu que tu n’es là que depuis quelques jours… Et aussi… Je m’interroge. Tu es élève ou prof ?
Décidément, ce gaillard cherchait vraiment à entretenir la discussion. Nate se retint de soupirer, et s’extirpa à nouveau tant bien que mal de son bouquin.
- Justement, non, je n’ai pas encore sélectionné ma monture. La plupart que j’ai vu pour l’instant ne me convient pas, c’est pourquoi je préfère attendre et me concentrer sur autre chose. La théorie, par exemple.
Il marqua une pause quelques instants avant d’enchainer.
- Et non, je suis un simple étudiant, tout comme toi, je présume. Mais n’imagine pas que je n’ai aucune réelle expérience en la matière.
Allait-il lui donner un aperçu de son passé d’Espoir ? Il est vrai que Nathaniel était assez vantard, et n’hésitait pas à mettre ses qualités en avant. Et puis… non. Il se ferait une joie de lui dire si cela l’intéressait, mais pour l’instant il avait d’autres chats à fouetter. Fin de la discussion.
Son interlocuteur sembla se lever et traverser la pièce. Peut-être que le beau brun lui avait coupé l’envie de rester à ses côtés de par ses réponses on ne peut plus sèche ? Apparemment, non. Il semblait qu’il se soit dirigé vers le frigidaire calfeutré dans le fond de la pièce, que Nate n’avait même pas remarqué. De toute façon, il ne devrait pas vraiment s’en approcher, vu son appétit d’oiseau et sa hantise de l’alcool.
- Tu veux quelque chose à boire ou à manger ? Tant que je suis debout…
Non merci, mais c’est sympa de proposer, vraiment ! Je suis flatté que tu est eû l’aimable idée de me proposer ceci, sur quoi je vais m’apprêter à te répondre d’une façon agréable, maintenant que tu m’ai déridé les joues.
- Non. Ca ira.
Ah, dommage, ce n’est donc pas pour le moment que tu te feras un nouvel ami.