Nathaniel John Wandervort } 100%

Vous vous êtes vous déjà baladé sur un terrain de concours, lorsqu’une grosse épreuve était prévue ? C’est assez frustrant. On voit beaucoup de chevaux encapuchonnés, de cavaliers qui bricolent et des rênes allemandes utilisées à tort et à travers. Hors, ce n’est pas ça être un cavalier. Un cavalier, bien qu’il sorte en international, se doit d’être correct avec sa monture, de ne pas surévaluer ses capacités et encore moins d’arriver à ses fins avec des manières barbares. Fin du prélude.

Il était assez tôt dans l’après-midi. L’été battait son plein, l’air était électrisé et l’atmosphère torride. Régulièrement, la voix un tantinet lassée du speaker annonçait les couples cheval-cavalier qui allait mettre en œuvre leurs talents sur la piste, couverte par les éclats de voix des spectateurs. Souvent, on pouvait repérer un vieux bonhomme à la carrière aguerrie, commentant les erreurs de ces « jeunes blanc-bec, tous plus prétentieux les uns que les autres ». Les épreuves défilaient, commençant de la simple préparatoire un mètre vingt jusqu’au petit grand prix un mètre trente-cinq. Cependant, la masse spectatrice restait immobile : tous attendaient le grand prix, la plus grosse épreuve ; le CSIO. Le chef de piste montait les barres, ajustait la rivière, élargissait la spa. Tous semblait avoir hâte que le parcours soit monté pour enfin voir le premier cavalier passer. Car ce premier cavalier n’en n’était pas un comme les autres : à à peine dix-neuf ans, il collectionnait un nombre incroyable de victoires à son palmarès.
Pendant ce temps, l’ambiance dans le manège portant le surnom de « paddock de détente » pour l’occasion était électrique au possible. On voyait beaucoup de chevaux trempées, l’encolure alourdie par une désagréable écume blanche. Les coachs montaient les barres, les cavaliers partaient sur la piste au grand galop après un reculer approximatif, le chef de paddock annonçait le temps avant l’ouverture de la piste. Plus que dix minutes.
Le couple portant le numéro n’était autre que Nathaniel Wandervort et une nouvelle monture, nommée Lancano. Un nom bien court pour un cheval aussi fier. L’encolure haute, il gardait ses oreilles plaquées sur son crâne pour manifester son énervement envers tous ces étalons qui lui tournaient autours. Nathaniel essayait tant bien que mal de ea calmer, détendant aussi souvent que possible la pression des rênes sur le Pessoa. Il n’aimait pas monter ses chevaux avec une embouchure trop dure, mais là, Lancano ne lui avait malheureusement pas laissé le choix. Heureusement, il arrivait plus ou moins à le gérer ainsi, et sa détente avait pu se dérouler sans encombre. Quelques minutes de pas, une dizaine au trot l’encolure basse pour délier le petit étalon, une autre sur la main et quelques tours de galop à chaque main. Il était près à aller sur les barres. Tout d’abord, il attendit qu’un des hommes de piste place un croisillon de plus ou moins soixante-dix centimètres au centre du manège, puis au souffle de la botte fit bondir le grand alezan brûlé sur la piste. Plus que cinq foulées. Trois. Très longue battue d’appel, il frappe fortement le sol et s’envol. Autours d’eux, tous jettent un œil à ce petit cheval qui ignore les barres pour sauter exceptionnellement plus haut. Nathaniel le félicite une nouvelle fois, flattant son encolure aux crins piontés. Il revint sur la croix, montée à quatre vingt dix centimètre. Le même manège : un cheval qui frappe fort et qui monte exagérément ses épaules. Certains se demandent s’il n’a pas été barré. Et bien non ! Nathaniel hait ces pratiques et les a bannies de son entrainement, point. Il passe sur un vertical d’un mètre, puis d’un mètre dix, un mètre vingt, un mètre trente, toujours sans aucun souci. Un passage par hauteur, et le tour est réglé, pour finalement arriver sur un oxer. Haut, large, bien carré. Pas encore la hauteur du tour, mais on s’y approche. Il lève les yeux vers le centre du manège : une jolie jument grise s’arrête une nouvelle fois, se prend une flopée de coups de cravache sur la croupe, entre les antérieurs dans l’obstacle et fait tomber le tout. Il détourne les yeux : pourquoi personne ne préserve les manières douces ici ?

Il repasse quelques fois sur l’oxer. Lancano laisse traîner un postérieur, il touche la barre qui roule doucement au sol ; quelque chose de presque naturel. Cependant, comme pris d’un excès de folie l’étalon lance un énorme coup de dos pour partir tête baissée tout droit devant lui. Ho là ! Attention !, crie Nathaniel. Il avait déjà remarqué ce trait de caractère chez ce cheval : le fait de toucher les barres le rend hors de lui. Il l’arrête tant bien que mal dans un coin pour lui flatter l’encolure. Le cheval souffle d’une façon exagérée, les oreilles toujours vissée sur son crâne. Et voila, maintenant il va lui falloir une bonne demi-douzaine de minutes pour le calmer et espérer ressauter correctement… un sacré caractère ! Espérons juste qu’il finisse sans faute sur le tour. Marchant au pas, rênes longues, en piste intérieur, ils essayent de faire redescendre la pression. Et ca prendra le temps que ca prendra, malgré les remarques acerbes du commissaire de paddock. ‘Plus que deux minutes !’ Lancano semble plus ou moins apaisé. Nathaniel reprend ses rênes, fait un tour de chauffe au petit trot pour isoler sa jambe extérieur et d’une faible pression envoyer sa monture au galop sur la piste. Il soigne sa courbe, ignore les foulées croissantes de l’étalon pour s’envoler par-dessus l’oxer. Une seconde d’envol, pour retomber au sol dans un bruit sourd : c’est à chaque fois la même chose, mais qui provoque toujours la même montée d’adrénaline.

‘Et nous reprenons les épreuves par ce CSIO une étoile. En premier, voila Lancano présenté par Nathaniel Wandervort. Lancano est un westphalien de sept ans, ayant pour père Schwartz Silk Shift et pour mère Bunderstrasse. Je vous demande quelques applaudissement pour encourager ce jeune couple !’
Le petit cheval parade, l’encolure arquée et les oreilles pivotant comme une girouette. Il semble analyser la situation, repérer l’endroit. Nathaniel lui flatte l’encolure puis reprend ses rênes et d’une caresse sur ses flancs s’élance au galop sur un cercle. Le sol en herbe glisse quelque peu ; il a bien fait de penser aux crampons. La cloche sonne, Lancano essaye de prendre le mors, tout de suite reprit en main par son cavalier. Il soigne son virage, perfectionne son tracé pour arriver bien au centre du vertical d’entrée. L’étalon accélère subitement, allongeant ses foulées pour survoler l’obstacle sans aucune difficulté. Bien, songe Nathaniel. Il freine ses ardeurs avec délicatesse. Le prochain obstacle est un bel oxer carré composé de palanques bleu océan. Quatre foulées. Trois. Le cheval semble demander : ‘Là ?’ Nathaniel garde la pression sur ses rênes : ‘Non, pas encore.’ Une foulée plus loin, la même demande ‘Et là ?’ ; ‘Toujours pas.’ Presque docilement, il se rapproche. Cette fois-ci il ne prend pas la peine de demander, il frappe le sol et s’envole. Vu de l’extérieur, c’est tellement gracieux que ça en semble facile. Une tête d’épingle, puis une petite galopade vers le premier double. Lancano glisse un peu, dérape dans ses postérieurs puis se reprend. Doucement, songe Nathaniel. Il laisse sa monture prendre de l’amplitude dans ses foulées : le contrat est un peu long pour lui, mieux vaut le laisser gérer la chose à sa manière. Il s’élance, se réceptionne, place deux longues foulées puis répète la manière. Parfait ! Un nouveau virage vers la gauche et la rivière s’annonce. Lancano se redresse, les oreilles pointées en avant, et semble vouloir repasser derrière lui. Le jeune cavalier fronce les sourcils, l’éperonne doucement. Malgré ça, l’alezan ralentit encore et toujours la cadence. Plus que quelques foulées pour rétablir le tout. Allez allez ! crie-t-il. Il sent les muscles se bander sous lui, et la pression exploser tandis que les foulées s’allongent brutalement. Une, deux, et hop ! Des mottes de terre tombent dans l’eau, brouillant son reflet. Réception juste après le trait blanc ; aucune pénalité. Ils prennent la diagonale pour négocier le seul triple du parcours. Oxer d’entrée, une foulée, vertical, deux foulées, vertical. Lancano passe le tout aussi facilement qu’une ligne de cavaletti. Surprenant. Maintenant, c’est le moment de décision qui s’impose à eux. Prendre ou pas l’option qui leur permettrait de s’assurer la première place ? Le temps presse, tout défile à vive allure dans l’esprit de Nathaniel. Aller, on tente. Il plante son talon extérieur dans les flancs de son cheval, garde fermement sa jambe intérieur à la sangle et indique avec une délicatesse feinte à la bouche du cheval qu’il est temps de tourner. Là, entre les deux chandelles si rapprochées. L’alezan renâcle, puis s’élance sans poser de question. La spa arrive bien vite, un peu trop vite pour le couple. Ils semblent vouloir l’aborder dans un angle de biais bien trop ouvert pour que ce si petit étalon puisse couvrir les trois barres. Nathaniel s’inquiète un instant : ce cheval a beaucoup trop de cœur ; même s’il pense que c’est un peu trop juste, il va y aller. Une qualité ? Plutôt un défaut dans ces moments là. C’est trop tard pour faire une volte, plus qu’une foulée. Il crie des encouragements au cheval d’une façon désespérée, tandis que la foule retient son souffle. Lancano s’élève, étend son dos, grogne tant l’effort l’énerve et se réceptionne en trébuchant. Bon cheval ! Nathaniel le caresse rapidement, puis ajuste ses rênes avec dextérité. Virage à droite pour finir sur la dernière ligne du parcours composé de neuf obstacles et douze efforts. Bidet éducatif – vertical – oxer polonais. Il recherche l’impulsion dans le virage et l’obtint en effleurant simplement les flancs de ce petit cheval d’exception. Lancano souffle fort, peine un peu, mais toujours avec tant de courage se précipite vers les barres. Cela lui coute, il grogne, mais exécute la demande de son cavalier parce qu’il veut lui faire plaisir. Le jingle de sans-faute retentit dès qu’ils passent la ligne d’arrivée. Nathaniel détend ses rênes, laisse l’étalon s’adonner à quelques sauts de moutons joyeux tout en lui caressant l’encolure. Une nouvelle victoire.