We have a Rendez-Vous... } R

Nathaniel avait fréquenté beaucoup de femmes durant sa vie. Beaucoup d'aventures d'un soir, beaucoup d'histoires éphémères ; mais très peu de relations sérieuses. Pas mal de ses amies sortaient avec lui uniquement pour son physique, et presque aucune n’avait réussi à cerner son caractère de Don Juan. Ce trait particulier était bien désagréable, du moins pas pour lui. En règle générale, il s’intéressait à l’objet de ses désirs jusqu’à ce qu’elle cède à ses demandes, et ensuite elle ne devenait plus intéressante ; elle l’ennuyait. Il fallait toujours réussir à capter son attention innover et le feinter pour l’intriguer et conserver son attention. Peu de demoiselles ont réussi.

Ce soir de décembre, à l’avant-veille de Noël exactement, Nathaniel avait imposé un rendez-vous à une de ses aventures d’une nuit qu’il n’avait pas revu depuis… Longtemps. Sasha. Une bien jolie fille, un caractère amusant. Attirante, aguicheuse. Il aimait ça. Il ignorait qu’elle séjournait tout comme lui à l’académie, ça a donc été un plaisir pour lui de leur réserver une table au Jyz, un des meilleurs restaurants de l’avenue. A vrai dire, il n’avait pas attendu sa réponse au message qu’il lui avait laissé pour appeler la réception. Un diner comme ça, avec lui, ca ne se refuse pas.

Le jeune homme marchait d’un pas actif dans l’avenue. Pour l’occasion, il s’était vêtu sobrement. Un costume Armani gris foncé, des chaussures en cuir habillées. Très classe, très bon chic bon genre. Un peu l’impression qu’il voulait donner de lui. Comme à son habitude, il n’avait pas fait un très grand effort pour ses cheveux : ils restaient négligemment rebelles ; un détail si attirant. Il jeta un coup d’œil à sa montre : 20h45. Il serait largement à l’heure. De toute manière, il n’était pas persuadé que Sasha soit ponctuelle… Un peu de mauvaise fois ? Surement !
Il aperçut au loin la porte discrète du restaurant. Accélérant le pas, il nota qu’un certain nombre de personnages déjeunaient déjà. Il avait bien fait de demander un coin tranquille.
Une fois dans le sas d’entrée, il dû présenter sa carte d’identité à une des jeunes femmes chargées de la réception. Nathaniel John Wandervort, oui. A réservé une table deux personnes pour 21 heures. Elle le débarrassa de son veston, puis l’accosta jusqu’au fond de la pièce. Un espace non-fumeur, à l’air frais et agréablement parfumé. Douce musique d’ambiance. La soirée allait bien se passer.
Le jeune homme s’installa et intima à la jolie serveuse qui leur avait été attribuée pour la soirée d’apporter un peu de champagne. Un Dom Perignon, s’il vous plait. Elle s’empressa de lui apporter deux petites flûtes, quand la porte d’entrée s’ouvrit. Un bouffée d’air frais balaya la salle, provoquant nombres de frissons dans la gente féminine peu habillée. Nate leva les yeux vers la silhouette qui remerciait élégamment le personnel. Il était vingt et une heure pétante. Sasha ?

La silhouette se fendit en une jolie demoiselle. Grande, mince, élégante. Mais ce n'était pas la personne de Sasha. Nate sourit : il avait bien eu raison de penser que de la blonde ne serait pas à l'heure... Ces jeunes filles là étaient toujours en retard, et prétextaient à chaque fois un shopping improvisé. Lui aussi était friand de grandes boutiques, mais de là à manquer un rendez-vous... Il se redressa sur sa chaise, et s'amusa à détailler le décor autours de lui. Au fond de la salle, une grande muraille de fer forgé réservait en son sein les meilleurs vins français. Rouge, blanc, vendanges tardives, bordeaux, champagne, liqueur... Pour qui le souhaitait ! Ces crues dataient au maximum de 1990. Du bon choix. son regard balaya alors les tables réservés aux simples clients ; ici, on n'offrait pas de simples bouts de ferraille comme dans les pizzérias, détrompez-vous. On ne s'assaillait pas sur des chaises, mais plutôt sur de jolis fauteuils confortables d'un noir de jais ; on ne s'accoudait pas à une simple table à manger, mais à une merveille de verre et de fer. Une grande nuance, pour les amoureux de la bonne cuisine. Et attendez un peu de voir les plats... Ce n'est pas pour rien que Nate avait invité sa compagne de la soirée ici. Il savait que le lieu allait, même d'une façon imperceptible, l'impressionner. Un homme de main s'avança vers lui, lui présentant le Dom qu'il avait commandé. Cuvée de 1921, lui assura-t-il. Parfait. Il ne prit pas la peine de le gouter, gardant son assurance à son point culminant.
Soudainement, son cellulaire vibra. C'est vraiment pas le moment... Il fronça les sourcils, pour mettre la main à sa poche. Et c'est en même temps que Sasha arriva.

Parfaite, comme à son accoutumée. Il la détailla de ses yeux de braise. Vraiment, c'était la jeune femme la plus magnifique de l'assemblée. L'ensemble de la gent masculine détourna les yeux de leurs amies pour l'observer, tandis que les compagnes fulminaient en l'insultant. Pour la soirée, elle s'était vêtu d'une sublime robe noire, mettant en valeur ses courbes sensuelles. Heureusement que Nathaniel avait fait foi de venir à cette rencontre en ami... Il se leva, et paume tendu effleura sa main.
- Tu est splendide.
Il pencha légèrement le visage, et s'approcha d'elle. Autours d'eux, la pression était à son comble : qui était-il ? Et allait-il l'embrasser ? Les mâles passaient d'un air béat à une jalousie certaine alors que les femmes étaient toutes rassurées. Repoussant ces questions, il se contenta de lui faire les bises. Trois. Un rite chez les Wandervort.
- Je t'en prie, assied toi.
D'un geste nonchalant il l'a recula, doucement, sans faire de bruit. Les hommes de main autours de lui semblaient embarrassés. Le jeune homme attendit qu'elle soit assise pour s'assoir en face d'elle, portant la main à la poche. Allait-il répondre aussi grossièrement que ça à son message ? Ce n'était pas son genre. Er pourtant, il s'empara d'une jolie forme sombre, avant de la poser sur la table, devant Sasha. Ce n'était pas un portable. Une jolie boite arquée, d'un noir de jais. Aux reliures d'or.
- C'est pour toi...
Il laissa une pause entre ses mots, entretenant le suspens.
- Joyeux anniversaire, ma chère.

- Merci Nathaniel. Même si ce soir je pense que de nous deux je ne suis pas la plus regardée...
Cette remarque arracha un sourire amusé à Nathaniel. Il est vrai qu’il n’avait nullement ignoré les jeux de regards entre la clientèle du restaurant et son corps d’athlète. Mais avec le temps, on s’habitue à tout… Surtout lorsqu’on venait de la classe sociale de cet élégant gentleman ; on était continuellement suivi par la presse et les jeunes demoiselles en mal d’affection. C’est mignon.
- Te rappelles tu ce que tu m'as offert l'année dernière ?
Nathaniel fronça très légèrement ses sourcils d’un noir de jais. A ce qu’il s’en souvenait, le jour de son précédent anniversaire avait été celui où la jeune femme et lui avaient couché ensemble pour la x-ième fois, avant que Nate l’abandonne sans un mot, sans une excuse pour retourner sur les terrains. Pas très galant, cette fois-ci… Mis à part le sublime collier Bvlgari qu’il lui avait fermé autours du cou alors qu’ils se mouvaient sous la couette. Elégant.
- Evidemment…
Et c’est sur ce mot énigmatique qu’il entrouvrit la jolie boite qu’il venait de sortir de sa poche. Description de son contenu, en deux mots : scintillant & éblouissant. Sur un fond de cachemire bleu marine se laissait choir deux splendides boucles d’oreilles Boucheron. Une sorte de tradition : il se devait d’offrir des bijoux à ses compagnes, diamant et or blanc. Il adorait les femmes qui les portaient, sans aucune raison vraiment étudiée ; c’est pourquoi ça en devenait une sorte de cadeau qu’il renouvelait chaque année, tout en innovant. Une fois une bague, puis un ras-du-cou, un model limité de breloques… Et ca n’en finissait pas. Avis aux amateurs de superbe joaillerie, Nate est un expert !
Il poussa la petite boite vers Sasha. Evidement, la jeune femme portait déjà une superbe édition de bijoux universels. Il ne se vexerait donc absolument pas si elle se contentait de la glisser en poche ; comme chaque année.
Le jeune homme au charme redoutable s’empara de la bouteille de champagne, vierge de toute utilisation. Il versa l’équivalent d’un verre de vin dans la flûte de sa cavalière pour en faire de même dans le sienne.
- A ces retrouvailles…
Il leva son verre pour le frapper tout doucement contre celui de Sasha. Une tradition française très vétuste, mais qui conservait tout son charme. Il porta la flûte à ses lèvres, douces et désirables, avant de faire goutter l’étonnante substance dorée dans sa bouche. Il n’ingurgitait pas l’alcool comme les autres poivreaux de son âge, non ; il exploitait ses saveurs et ses goûts, puis le laissait glisser dans sa gorge. Etonnement agréable.
Nate reposa son verre sur la table, avant de concentrer son regard sur Sasha. Il n’aimait pas spécialement l’alcool, c’est pourquoi il préférait n’en consommer qu’avec beaucoup de modération pour apprécier ses valeurs. Point. Il la dévisagea.
- Qu’en penses-tu ?
Sans aucun doute qu’elle le préférerait aux petites bouteilles désagréables que l’académie proposait dans le living-room. Sans aucun doute.